Amador {alcoholic violinist & poor truck

Je suis aussi aigre que la vodka,
fort comme l'eau de vie,
dément comme l'absinthe,
brûlant comme du cognac,
mais on ne m'aime pas autant qu'eux.

Franc, loyal, tenace, rusé, fragile, captivant.

« Pseudo » {Ibi Deficit Orbis} IDO, pour faire plus court.
« Age » Je suis né en 92, aux dernières nouvelles.
« Avatar » Hampus Ahlqvist.
« Code du Règlement » Tutafé.
« Comment nous avez-vous connus ? » Par un top-site.
« Double Compte ? » Nop.
« Un avis à donner ? » Nop, je suis la neutralité incarnée.
« Le mot de la fin ? » Le silence est préférable, je ne dis que des choses méchantes (paraît-il).

Il devait être aux alentours de vingt-deux heures quand enfin Amador pu poser son violon, las. Encore une fois la foule avait criée, hurlée, comme une damnée. Certains se griffaient le corps, s’arrachaient cheveux et vêtements, nombreux étaient ceux qui s’évanouissaient, mordaient, embrassaient leur voisin, dansaient comme les vagues de la mer un soir d’orage, déchaînés, alors que l’archet d’Amador crissait sur les cordes de son violon, détestable son qui rendait fou les hommes. Mais lui son violon qui faisait gesticuler les ogres et tonner les monstres, il ne l’entendait pas. Sourd. Pas une note de musique parvenait à ses oreilles, pas une seule de ses maléfiques notes qui faisaient de vous des aliénés débauchés. Peut-être étais-ce mieux ainsi. Le violoniste du Diable s’enferma dans sa loge, laissant le loisir à la salle de reprendre ses esprits. Quand se rendraient-ils tous compte que sa musique était inhumaine et malsaine ? Jamais, peut-être ! Quand se rendraient-ils compte que ses sonates étaient les paroles du démon ? Jamais, peut-être ! Lui qui avant faisait danser les sorcières, alors qu’il était emprisonné dans les pages d’un livre, se retrouvait à faire danser les humains. Amador soupira, rangea précautionneusement son arme dans son étui, et croisa son regard dans un miroir. Ne le supportant pas, il détourna vivement les yeux. Mais curieux, il y revint. Pas de cornes, pas des pattes de bouc. Un homme, c’est tout. L’individu s’approcha du miroir glacé et y colla son corps chaud, tout émoustillé d’avoir joué si longtemps. Il embrassa son reflet, le caressa du bout de ses long doigts, ferma les yeux, se laissant glisser par terre. Le damoiseau enleva le nœud qui enserrait sa gorge, tout doucement, puis sa chemise, violemment, faisant peu de cas des boutons qui sautaient. Et toujours son reflet dans le miroir, son corps qui se soulevait au rythme de sa respiration, son visage luisant de sueur, son souffle se condensant sur son image. Ses cheveux blonds faisaient comme l’auréole d’un ange autour de sa tête aux yeux d'un bleu noir comme les fonds marins, insondables. L’homme resta un instant ainsi, face au miroir, à se contempler. Puis, en un geste de haine, il frappa le miroir, qui ne se brisa pas. Il tapa encore, et encore. Et enfin, le miroir vola en éclats sous la force du jeune serpent, blessant sa main, coupant son bras et son visage. Et alors, Amador se mit à pleurer, courbé en deux, minuscule et insignifiant. Si petit, avec son mètre soixante, malgré ses robustes épaules. Tout petit, vraiment tout petit. Aucune larme ne coulait de ses orbites. Un diable n’a pas de larmes. Un diable suffoque de haine. Il n’entendait pas même ses gémissements. Ce n’était pas de la douleur, ni physique, ni psychique. Juste un grand vide en lui qui s’ouvrait, gouffre béant, comme une horrible gueule polaire. Amador se recula, en rampant comme un misérable sur le sol, meurtri dans sa chair et dans son âme, encore plus loin même. Mais par quoi ? Par rien, justement ! Ce rien dans ses entrailles de papier. Un être crée de toutes parts par les hommes pour faire le mal aux hommes. Il s’arrêta, tombant sur le parquet, suffoquant, stupéfié par ce qu’il était.

Mais ses lamentations se changèrent en un rire méphistophélique, tordant le visage si souvent impassible d’Amador avec laideur, le pourfendant d’un rictus pernicieux. Puis il se remit à pleurer. Et se mit à rire en même temps. Se releva, mit à terre tout ce qui était sur les meubles. Vases, fleurs, flacons, en un geste désorienté par son esprit consumé par la folie. Il se saisit d’un flacon d’Eau de Cologne et l’envoya vers le miroir. Le récipient se brisa dessus, mais les éclats continuèrent de refléter cette image qu’Amador aimait et haïssait tant. La sienne. Le parfum coulait, comme des larmes de nymphe sur tous son corps reflété. Mais son vrai corps était en sueur et en sang. D’un geste rapide il ôta son pantalon, et partis prendre une douche, pour laver toute la crasse qui s’était déposée sur son corps en cette journée. Il avait du serrer des mains, embrasser des gens, toucher tous ces êtres gluants, obèses, craquant d’insanité ! Peur panique du toucher, peur panique des hommes qui l’ont crées ! Tous puants, obscènes ! Toutes ses femmes qui tendent leurs mains aux doigts boudinés vers lui, tous ces hommes qui postillonnent en lui parlant ! Même un rat est plus propre, même les égouts de leurs rues, de leurs villes toutes aussi sales qu’eux, salies par leurs bêtise, leurs ordures ! Amador, à chaque mot qui filait dans sa tête frottait un peu plus fort sa peau, agrandissant ses plaies, ses griffures, qu’il avait partout sur le corps, mutilation involontaire d’une vie cruelle. L’eau était froide, le gelait. Il tourna le robinet, elle le brûla. Sa peau rougit, un cri sans voix, et ne sachant comment réagir, le diable se mit à frapper le robinet, s’ouvrant la main. Demain, il aura un bleu et ne pourra jouer pendant quelques jours. Il finir par réussir à arrêter l’eau, et sortit de la douche, harassé. Cela faisait que si peu de temps qu’il était en ce monde ! Quelques secondes pour se sécher et le damoiseau enfila un pantalon noir et mit sur sa peau nue son blouson d’aviateur, qu’il aimait et chérissait tant. Plus qu’un être vivant. Même les chiens le dégoûtaient.

Le diable sortit précipitamment, mit son violon sur la plage arrière de sa voiture. Rares étaient les fois où il se mettait au volant d’une voiture. Largement l’âme turbulente préférait les motos, qu’il jugeait plus libres. Plus dangereuses. Un instant pour chercher ses clefs et le moteur vrombit, puissant. C’était si grisant ! Mieux que le cheval d’un prince charmant. La voiture d’un grand méchant. Amador démarra en trombe dans un crissement de pneu, sans se méfier de la neige qui faisait glisser les roues en caoutchouc. De toute, le démon n’en avait que faire. Sa vie à lui, c’était le danger. Avant, il jouait avec la vie des hommes, en les piégeant. Il aimait particulièrement les pactes d’une âme contre un vœu… mais à présent qu’il avait une âme, autant jouer avec. La vie n’est qu’un jeu d’un ennui mortel si on ne prend pas de risque. Une fois sur une grande route, Amador lâcha le volant, appuya sur l’accélérateur et ferma les yeux. C’était si bon ! Il n’entendit pas les klaxons autour de lui, les jurons, les voitures en déroute, les cris. Ce soir encore, il eut un accident. Il passa par le pare-brise, n’ayant pas mis sa ceinture. Encore un violon réduit en éclat ! Encore quelques estafilades, encore le nez cassé et la jambe broyée. Encore du danger. Comme il l’aimait ! La mort est son amie. Longtemps il a traîné avec elle, même si ce n’était qu’entre les pages d’un livre.